mardi 2 octobre 2007

A l'école des Vieilles Vignes

En ce moment, jamais la cloche des vieilles vignes n’a autant sonné !




Mercredi c’était la petite troupe de « fans » qui carillonnait, et qui s’est installée deux jours dans la « salle » de classe pour découvrir les secrets de l’OSTINATO en musique…
Et c’était parti pour un beau parcours musical, concentré …




mais joyeux …



(Oserais je dire parfois même « potache » ??? )





Entre la Chaconne et la Passa/Caille … aux raisins du délicieux restaurant de Boissy la Rivière, l’harmonie était parfaite !





Donc les deux jours ont été consacrés au

- Déchiffrage d’un des plus anciens manuscrits polyphoniques « Sumer is incumen»


(voici le beau site promis pour grappiller davantage)


- Travail autour de l’air de la « Mort de Didon » extrait de l’opéra Dido and Aeneas de Purcell.

"La mort de Didon, à la fin du Didon et Énée de Purcell, est un autre bel exemple de ground où l'errance signifie une mise hors de soi. (Le ground était, en Angleterre, très populaire -, peut-être parce que, comme le dit Purcell, il est "une chose très facile à faire" -, en témoigne Shakespeare dans Richard III: "On that ground I'll make a Holy Descant.") Décidant de quitter Carthage suite à un complot mené contre lui, Énée rencontre une dernière fois Didon ("Away ! Away ! - No, I'll stay ! - To Death I'll fly / If l monger you delay / Away, way !") et quitte la cité, alors que Didon commence sa longue plainte ("When I am laid in earth / May my wrongs create / No trouble in thy broast / Remember me, but, ah, forget my fate..."), sur une basse obstinée identique à celle du Lamento de Monteverdi, mais allongée par un chromatisme qui rend toute la douleur de Didon . L'ostinato signifie ici autant l'éloignement du bateau d'Énée que la plainte de Didon."


En cliquant sur la partition, elle s'affichera en "grand" sur l'écran

Émotion toujours intacte après des centaines d’auditions depuis le jour où, rentrant de l’école et farfouillant (déjà !) dans des vieilles partitions ramenées par maman d’une improbable …farfouille …je déchiffrais, avec 2 doigts sur le vieux piano désaccordé (encore une histoire de farfouille) mais tétanisée par la beauté de la découverte, cette Basse obstinée chromatique descendante (bon là les mots, c’est arrivé beaucoup plus tard …) et ce Chant de mort de Didon subtilement entrelacés : « when I am laid, I’m laid ----in earth … »

-Travail autour de la construction du « Crucifixus » de la Messe en Si m de Bach

"Une synthèse grandiose des deux mouvements de l'ostinato - la marche infinie et l'errance intérieure - est le Crucifixus de la Messe en si de Bach. Bach choisit là une véritable passacaille qui, comme à la Renaissance, est la répétition à l'identique d'un motif de basse de quatre mesures avec une assise sur le deuxième temps, tout en y ajoutant, comme chez Purcell, un chromatisme descendant. Après avoir été énoncé une fois, sans texte, le motif est répété treize fois, emmenant le Christ jusqu'en haut du mont des Oliviers et son âme dans les profondeurs de la terre - d'où le chromatisme descendant. L'emploi d'une forme musicale de danse dans une pièce religieuse n'a rien de surprenant - la danse servait à l'époque à l'expression de tous types de sentiments, elle n'était pas que gaieté -, et illustre ici la marche douloureuse du Christ, sa (difficile) montée de la colline, les quatorze stations. Quant au choix précis de la passacaille, Bach se repose là non seulement sur son caractère obstiné, mais aussi sur son rythme boiteux, qui fait probablement écho aux pas inégaux du Christ - accablé par la lourdeur de la croix - ainsi qu'à son allure - celle d'un homme meurtri corporellement, presque un vagabond. Mais Bach a, semble-t-il, voulu donner une fin positive à son Crucifixus: à quelques mesures de la fin, sur le mot sepultus ("enterré"), un changement harmonique vient rompre la douleur du mouvement, qui se termine en majeur (une probable anticipation de la Résurrection)."


-Travail d’écoute et d’écriture à partir de la Berceuse de l’Oiseau de feu de Stravinski

Et même
-« Jeu de mains à 7 temps » sur Unsquare danse » de Dave Brubeck.

Allez cliquer ici pour en savoir plus sur l’utilisation des rythmes impairs dans sa musique


Pour prolonger tout ça voici quelques grappillages de choix trouvés sur la Toile au sujet de la basse obstinée :

"L’usage d’une phrase type répétée à la basse sur laquelle s’élaborent des développements contrapuntiques dans les voix du dessus, constitue l’une des formes les plus anciennes de la musique instrumentale en Europe.
Son origine réside le plus probablement dans une tradition d’improvisation qu’ont développée des interprètes de musique de danse. Avec une basse obstinée à partir de notes de longue durée et d’un rythme régulier, la gamme limitée des choix consonants pour les parties de dessus génère une séquence harmonique relativement stable ; et c’est en fait cette association d’une ligne de basse donnée et d’une forme rythmique et harmonique spécifique qui a souvent constitué la caractéristique la plus reconnaissable d’une danse particulière. Elle aide efficacement les danseurs à trouver les bons pas et à les suivre.
Les instruments tenant le dessus peuvent ainsi improviser librement des discantus virtuoses sur ce basso ostinato, tandis que la présentation répétée de cette basse obstinée a pour propos d’identifier clairement la danse à laquelle elle appartient.
Les passemezzo antico et moderno, les romanesca, folia, zarabanda, ruggiero, pagaina, favorita, ballo di fiore sont autant de danses nées avec la Renaissance et s'appuyant sur un motif répété à satiété - aux variations correspondent autant de visages, de gestes et de positions différentes dansées par celui ou celle qui peint la musique dans l'espace. Le ground est autant le fond musical d'où naissent les variations que le paysage ("background"), toile de fond du danseur.
Parmi toutes les danses s'appuyant sur un ostinato, la passacaille mérite une attention particulière. Elle naît au crépuscule du XVIe siècle, probablement en Espagne, s'épanouissant en Europe et pénétrant en Italie, où elle connaît un vif succès au XVIIe siècle. La passacaille était à l'origine d'un rythme très rapide, mais elle s'alourdit avec le temps et, à l'époque baroque, elle était d'un rythme modéré - andante, c'est-à-dire au rythme de la marche. À ses débuts, la passacaille imitait musicalement la marche des vagabonds boiteux de la rues (passar la calle), d'où un rythme ternaire bancal, avec une assise sur le deuxième temps. La passacaille est donc la répétition immuable d'une simple basse "boiteuse" d'où naissent des variations qui n'ont ni début ni fin - les vagabonds ne s'arrêtent jamais. Comme eux, la passacaille est anonyme: elle ne connaît pas de frontière et donna naissance, à travers l'Europe, à des milliers de variations qui sont comme le nom imprononçable de celui qui les exécute. La passacaille était un badinage sans raison, expression d'une oisiveté sans remords, d'une vie "urbaine" qui se répète tous les jours - c'est pourquoi la passacaille est infinie.

Lorsque la musique instrumentale dansée disparut au profit de la musique sérieuse (c'est-à-dire lorsque le mouvement fit place à l'intériorité), la passacaille devint signe d'un autre type de mouvement - non plus une marche terrestre, mais une errance mentale. Tel est le Lamento della Nimpha, dans le livre VIII des Madrigaux de Monteverdi. La nymphe, abandonnée par son amant - "Amor ! Amor !" -, prend à témoin trois hommes la plaignant avec conviction - "Miserella, ah piu, no, no..." -, tandis que l'errance est signifiée par un ostinato en mineur chanté par la basse - le lamento, qui s'apparente à la chaconne, est une basse obstinée standard au XVIIe siècle en Italie.


Même dans un contexte d’exécution purement instrumentale, sans aucune association avec la danse, certaines basses continues circulent largement à travers l’Europe en tant que support idéal pour l’improvisation, prenant place dans un répertoire instrumental cosmopolite, tandis que d’autres restent propres à une région particulière.

De même que pour beaucoup de musiques du Moyen Âge et du début de la Renaissance, cette tradition reste orale assez longtemps, quoique quelques-unes de ces basses obstinées apparaissent comme des éléments structurels dans certaines chansons polyphoniques rassemblées dans des recueils manuscrits espagnols, français ou italiens du XVe siècle.
Mais dès que les premières méthodes imprimées apparaissent pour l’orgue, la flûte, la viole, le luth ou la vihuela, dans le deuxième tiers du XVIe siècle, plusieurs d’entre elles comportent des exemples très élaborés de diminutions sur des basses obstinées, et de fait, les mêmes basses sont souvent utilisées par des compositeurs de nationalités différentes, prouvant ainsi la grande diffusion de ce type de matériel.

Le ground - La basse obstinée-quelle qu'en soit la forme, passacaille, lamento, chaconne... - est musicalement et intimement lié au mouvement de la marche - déambulation clochardesque ou achèvement crépusculaire d'une vie. La répétition de la basse signifie littéralement le mouvement, boiteux ou pas. On pourrait ainsi tracer une généalogie de ces formes obstinées, de la Renaissance à aujourd'hui, où l'on inclurait les milliers de passacailles de la Renaissance, ses dérivés baroques (Purcell, Bach, Marin-Marais - La Folia -, etc.), peut-être certaines Gymnopédie et Gnossienne de Satie (de simples marches à durée limitée), quelques occurrences dans le "jazz" (Changeless de Keith Jarrett) et le rock ("The Carny", de Nick Cave - l'histoire d'un saltimbanque-freak errant emmenée par une valse terrifiante et une rythmique foraine) et les grounds de Moondog, (ré)apparition passagère de la mélopée du musicien vagabond, ritournelle qui résonne sans interruption depuis des siècles."

-...et des fous rires, des petites confidences et des grandes déclarations ... de la belle vie échangée ...!


A bientôt la petite troupe pour d'autres aventures ...

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